
En cette Journée Internationale des Femmes, l’International Women’s Day selon l’ONU, j’aurais pu… garder un silence énigmatique. Ou lever les yeux au ciel en grommelant que les femmes sont assez grandes pour ne pas avoir besoin d’une journée qui leur soit dédiée comme on le fait pour un petit animal fragile, en voie de disparition, ou une cause perdue.
J’aurais pu déclamer des extraits du « Deuxième Sexe » de Simone de Beauvoir, des propos d’Elisabeth Badinter ou les vers que Corneille a mis derrière les lèvres de Chimène.
J’aurais pu faire l’effort de l’écriture inclusive, comme si ce combat ne contribuait pas à détourner de l’essentiel : une éducation identique pour les petites filles et les petits garçons, la sortie de l’aliénation des « jouets pour les filles » et des « jouets pour les garçons« , et surtout l’ouverture de tous les possibles aux petites filles, qu’elles aient cette certitude en elles que nul obstacle ne les arrêtera, que rien, absolument rien n’est trop bien ou trop difficile pour elles, qu’elles se projettent au gré de leurs souhaits, futures architectes, astronautes, mathématiciennes, physiciennes, pompiers, agents secrets – ou pas -, coiffeuses, sages-femmes, tout ce qu’elles veulent, absolument TOUS-les-possibles… Zut, voilà que je m’y mets, je m’étais pourtant juré que par convention (personnelle et non consensuelle, je l’avoue), je décréterais une fois pour toutes que tous les noms de métiers seraient masculins, ceci afin de ne pas détourner notre attention des vraies problématiques de l’égalité des chances homme – femme.
J’aurais pu vous parler de celles qui se sont joué des carcans, dont l’histoire a gardé la trace de la dangerosité. La Poison, par exemple, et ces femmes d’influence qui détenaient par le sexe et les complots une forme de pouvoir au XVIIe siècle assuré par l’emprise qu’elles avaient sur les hommes puissants. J’aurais pu mettre en lumière ces paysannes herboristes, femmes de peu, rebouteuses, soignantes, sages-femmes, condamnées à périr sur un bûcher parce que leurs connaissances étaient grandes et leur indépendance tout autant. J’aurais pu remonter à Cléopâtre et même à Néfertiti ou, pourquoi pas, à Aphrodite, Athéna, voire Circé, le temps d’un clin d’œil appuyé.
J’aurais pu choisir des artistes internées, trop belles, trop elles-mêmes. Zelda Fitzgerald, aussi talentueuse, si ce n’est plus, que son illustre mari immortalisé par les reprises cinématographiques de Gatsby. Camille Claudel, au sommet de l’art sculptural, peut-être bien au-delà de Rodin, l’amant, le mentor, le maître bientôt dépassé par la talentueuse élève. Combien sont-elles ?
J’aurais pu m’étendre sur les femmes de la génération X, mais je le ferai prochainement.
J’aurais pu… J’aurais pu mettre en avant toutes ces femmes qui ont lancé les ponts sur lesquels aujourd’hui nous marchons, ces femmes qui vivent en nous et qui regardent sûrement, de là où elles sont, combien leurs filles et petites-filles ont grandi.

J’aurais pu… Mais pour cette fois, j’ai choisi une étincelle légère, une petite météorite pétillante. Sagan. D’abord, je ne vous le cache pas, parce que je l’ai recroisée il y a quelques jours lors de la lecture d’une chronique. Ensuite parce que je crois avoir à peu près tout lu d’elle, pied-de-nez aux conventions, à cet âge invincible et trouble de sortie de l’adolescence. Sagan. Pour sa gravité sous la légèreté. Pour la vie passionnément aimée comme une cigarette qui se consume parce que fumée trop vite. Pour la vie qui dérape parce que conduite sur les chapeaux de roue. Pour ces phrases ciselées, autant de petites lumières dans un ciel sombre où l’on cherche les étoiles. Sagan et les oscillations des âmes, teintées d’incertitudes. Sagan blâmée pour la légèreté de ses écrits, comme un Houellebecq l’est pour ses personnages mornes. Sagan, comme « Vivre à fond de peur de mourir demain« . Ah ben non, le S, le V, ça ne marche pas. Tant pis. J’ai choisi Sagan. Joyeux 8 mars à tous et toutes ! Et joyeux pied-de-nez à la Journée Internationale des Femmes ! Au fait, c’est quand, la Journée Internationale des Hommes ? Ah y’en a pas…