
Je vous vois, dodelinant de la tête face à l’absence de majuscules. C’est la volonté de l’auteur, apparemment. Ou de son éditeur.
Le livre m’a été offert un jour de décembre par une amie française. Celle qui lit, qui écrit, qui dévore, furette, déniche des perles ici et là et me montre ces trésors glanés comme les enfants ouvriraient un sac de plage renfermant leur récolte de galets, de plumes et de coquillages. Sait-elle combien ces instants-là me sont précieux ? Ce jour-là, elle m’a dit : « Lis-ça, ça va te parler je pense ».
Aujourd’hui, presque deux ans plus tard, je cherchais un ouvrage court comme support au « Jeu Littéraire du Week-End« , cet intermède hebdomadaire durant lequel je poste une énigme, puis des indices, pavant un chemin improbable jusqu’au titre d’un livre rencontré par le passé. Tout ça pour avoir un prétexte à discuter littérature avec vous.
Ce vendredi, mon énigme était trop facile, vous avez été plusieurs à deviner que le titre était « Le portrait de Dorian Gray« , d’Oscar Wilde. J’avoue que j’ai été soulagée de ce dénouement rapide. Je l’avais lu il y a longtemps, à la même époque que les « Histoires extraordinaires » d’Edgar Allan Poe auxquelles il ressemble par bien des points. J’avais oublié sa noirceur. En le feuilletant à nouveau à la recherche de passages à vous soumettre, j’en ai éprouvé un vague malaise et l’envie folle de me débarrasser de lui. J’ai été exaucée puisque dès vendredi soir, le jeu était fini. J’ai alors réfléchi à vous en proposer un second, qui mettrait en lumière un ouvrage plus récent, dont je parlerais volontiers avec vous.
C’est la couverture de « croire aux fauves » qui s’est glissée sous ma main. J’ai hésité. C’est un récit plutôt qu’un roman. Allais-je trouver matière à indices ? Était-il assez connu ? Était-il assez « classique » pour avoir plu au plus grand nombre ? Je n’avais pas été particulièrement emballée par le style. Mais la chasseuse de trésors littéraires avait raison. Ce qui est conté ici est d’une telle force ! Il y a tant à ressentir qui n’est pas dit, mais qui est là, en creux, entre les lignes, entre les mots.
Je ne connais pas l’auteure. Peut-être nous rejoignons-nous dans une forme de sororité universelle qui résonne à travers les croyances et les traditions des peuples autochtones (en toute modestie de mon côté, l’anthropologie n’est pas mon métier). Ceux du Kamtchatka dans « croire aux fauves » et ceux d’Amazonie dans mes « cercles du temps« . L’effet miroir – et j’emploie à dessein ce mot – ne s’arrête pas là. Nous sommes toutes deux des survivantes. Des résilientes. Et nous portons en nous, pour des raisons différentes, quelque chose des animaux esprits qui peuplent les récits des peuples premiers.
Que faire d’autre que vous inviter à lire cet objet inclassable ? « Lisez-ça, ça va vous parler je pense ».
Merci Circe pour cette présentation, c’est un livre que je viens de mettre dans ma liste d’envies, tu comprendras pourquoi…